Saviez-vous que l’échange d’argent dans le cadre de la réalisation d’un mandat à la pige ne définit en rien les conditions d’utilisation et de modification du travail qui est livré ? Vous êtes certainement nombreux à le découvrir ici. Car non, payer les services d’un pigiste ne rend pas le commanditaire propriétaire du contenu qui est livré. Un pigiste n’est pas un salarié et là se trouve toute la différence.

En marketing, de nombreuses productions sont soumises aux droits d’auteur, surtout lorsqu’il s’agit de contenu (rédaction, photo, vidéo…). Pourtant les clauses de contrats (et les contrats tout court d’ailleurs) font figure de grandes oubliées dans les échanges entre un pigiste et ses clients. La question est donc : quels sont les droits que l’on peut céder ? comment et jusqu’à quel point ?

Que vous soyez pigistes et produisiez pour le compte d’une autre personne, ou que vous soyez client d’un pigiste (ou envisagiez de faire appel à l’un d’eux), cet article est fait pour vous. Il est temps de faire le point !

Qu’est-ce que le droit d’auteur ?

Le droit d’auteur est défini comme étant le « droit exclusif de produire, de reproduire, de publier ou d’exécuter une œuvre originale de nature littéraire, artistique, dramatique ou musicale ». Le droit d’auteur protège une variété d’œuvres tels que les images, les textes, les vidéos, etc.

Le droit d’auteur existe automatiquement à partir du moment où l’œuvre originale est créée. Celui-ci subsiste généralement jusqu’à 50 ans suivant la mort du détenteur du droit d’auteur (pour le Québec, les délais sont plus longs dans les autres pays). Une fois ce délai expiré, l’œuvre tombe dans le domaine public.

Quels droits avez-vous en tant que pigistes ?

Tel que mentionné précédemment, lorsque vous créez une œuvre, celle-ci est automatiquement protégée par le droit d’auteur. Cela veut dire que les œuvres que vous créez, même dans le cadre de votre travail en tant que pigiste, sont protégées. Peu de gens le savent, mais le seul fait de payer pour une œuvre n’engendre pas l’acquisition des droits de propriété intellectuelle qui y sont rattachés. Si vous créez une œuvre pour votre client, les droits d’auteurs sur celle-ci vous appartiennent à moins d’un transfert de droits.

Le droit d’auteur se sépare en deux catégories : les droits économiques et les droits moraux. Les droits économiques réfèrent à la possibilité de se faire rémunérer pour l’exploitation de l’œuvre créée. Les droits moraux, quant à eux, se divisent aussi en deux catégories : le droit à la paternité de l’œuvre et le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre.

Le premier correspond au droit d’être identifié comme étant l’auteur de l’œuvre. Le deuxième, quant à lui, protège les œuvres d’un auteur de la déformation ou toute autre forme de modification ainsi que de l’utilisation de ces œuvres en relation avec un service ou un produit sans son consentement.

Les droits moraux, contrairement aux droits économiques, ne se cèdent pas. Il est toutefois impossible d’y renoncer. Dans le cas d’un contrat avec un client, à moins de renoncer à ces droits, il sera impossible pour le client d’apporter des modifications à votre travail sans votre permission.

Quelles clauses sur le droit d’auteur devriez-vous inclure dans un contrat de pigiste ?

Compte tenu ce qui vient d’être expliqué, il existe quelques clauses qu’il est important d’inclure dans un contrat entre un pigiste et un client (et évidemment, il est essentiel d’avoir un contrat écrit en tout temps avec ses clients).

#1 Licence d’utilisation

Tout d’abord, étant donné que tout ce que vous créez vous appartient, au niveau de la propriété intellectuelle, il est important d’inclure une clause qui permettra à votre client d’utiliser le travail pour lequel il a payé. Une clause accordant une licence exclusive à votre client serait une des meilleures façons de faire. Il pourrait aussi être préférable de mentionner que vous vous réservez le droit d’utiliser le travail créé à des fins de promotion (sur les réseaux sociaux, dans un portfolio, etc), pour acquérir de nouveaux clients notamment.

 

#2 Clause concernant la modification des œuvres créées

Bien que le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre soit prévu par la loi, très peu de gens sont conscients de leur existence. Il serait donc préférable d’inclure une clause prévoyant l’impossibilité de modifier les œuvres que vous avez créées sans votre la permission. Au cas où vous ne seriez pas disponibles pour faire ces modifications, vous pourriez aussi inclure une clause permettant au client de faire faire les modifications par quelqu’un d’autre, tant et aussi longtemps qu’il vous donne la possibilité de le faire avant.

Pourquoi intégrer ces clauses à vos contrats ?

Un maître mot : la prévention (mieux vaut prévenir que guérir !). Nous avons la fâcheuse tendance à nous tourner vers un avocat lorsque la situation est déjà conflictuelle, qu’on se fait poursuivre ou qu’on veut poursuivre quelqu’un… mais sans n’avoir rien prévu initialement pour se protéger au mieux ! C’est déjà trop tard !

Il existe des avocats (comme moi) qui ne font que du travail préventif. L’objectif est de créer des bases solides avec vos clients, et de prévenir les situations conflictuelles futures. N’oubliez pas que vous vivez de la propriété intellectuelle que vous créez.

Pourquoi se faire accompagner par un avocat ?

  1. Il est très facile de mélanger les termes droit d’auteur, marques de commerce ou encore des termes plus spécifiques à certaines industries comme les royautés mécaniques ou les points de production. Avoir un avocat à vos côtés vous aidera à comprendre les aspects juridiques de votre travail, ce qui vous permettra d’avoir plus de contrôle lorsque vous entrerez dans de nouvelles relations contractuelles.
  2. Utiliser des « modèles » de contrat n’est pas la bonne solution car les métiers créatifs ont tous leurs spécificités selon le contenu qui est produit et utilisé. Faire affaire avec un avocat vous permettra donc d’établir vos propres termes. Rappelez-vous que si vous n’avez pas votre propre contrat de service, votre client vous en fournira peut-être un. Si vous n’avez pas vos propres clauses, l’autre partie vous présentera les siennes. Avoir le contrôle sur sa carrière n’est pas qu’une question d’avoir les connaissances appropriées. Ça implique aussi d’avoir les outils nécessaires pour avoir la carrière que vous désirez.
  3. La plupart des modèles en ligne ne sont pas adaptés au droit du pays dans lequel vous vous trouvez. Le droit est un concept territorial et la plupart des modèles trouvés en ligne sont rédigés pour des utilisateurs américains.
  4. Prenons pour acquis que vous êtes conscient de la nécessité de modifier le modèle avant de l’utiliser. Comment vous assurer que vous n’oubliez rien ? Les avocats ont les connaissances juridiques nécessaires pour identifier ce qui manque à vos modèles et comment pallier à ces manques. N’oublier pas ceci : vous ne savez pas ce que vous ne savez pas.

 

Que vous ayez besoin de réviser les contrats que vous allez signer, d’obtenir des conseils juridiques ou d’être aidé dans la rédaction de documents afin de vous protéger, n’hésitez pas à me contacter : aicha@artylaw.ca

Article par Aicha Tohry, avocate et fondatrice d’ARTY LAW, spécialisée dans les services juridiques aux entrepreneurs des industries créatives.